29 août 2005

La propagande est à son apogée en Palestine

Le spectacle biaisé de Gaza

La chronique de Jacques Pilet
L'Hebdo, 25 août 2005



Et dire que beaucoup de gens croient l’information de la télé sur le monde plus fiable que celle de la presse! Ils ignorent que les journaux télévisés ne sont pas faits selon l’importance des sujets et l’équilibre des sources mais en fonction des images qui arrivent – ou n’arrivent pas – sur le flux des agences internationales.

On vient d’en avoir une illustration frappante. Nous avons été submergés, soir après soir, de séquences émouvantes sur le départ des colons israéliens du territoire palestinien de Gaza. Ces familles savaient pourtant qu’en installant leurs îlots de richesse protégés par les armes en plein milieu d’une bande de terre où règnent la misère et le désespoir, elles couraient quelques risques. Celui des roquettes ennemies mais aussi celui d’un départ réclamé depuis des années par d’innombrables résolutions des Nations Unies. Mais on ne nous a rien épargné de leur détresse. Pourtant adoucie par des conditions généreuses: entre 100 000 et 200 000 euros par foyer pour un relogement en Israël. Ce qui n’empêchait pas une gentille dame francophone de se plaindre que son nouvel appartement n’a que 80 m2 alors qu’elle devait en quitter un de 130... dans l’espace le plus surpeuplé du Moyen-Orient!


Les autorités israéliennes ont laissé pleine liberté aux reporters pour dire au monde l’effort consenti. Pour bien faire comprendre qu’il serait difficile voire impossible de répéter l’opération en Cisjordanie. Où Sharon continue d’ailleurs d’encourager d’autres implantations dans un nouveau pied de nez à la communauté internationale et même aux Etats-Unis.

Le gouvernement israélien qui se plaint sans cesse de l’attitude à ses yeux trop critique des médias étrangers, en fait, manipule ceux-ci avec une habileté remarquable. Il occupe le terrain en inondant les canaux d’information occidentaux avec les images qui lui conviennent. Et les gentils journalistes, sans trop se poser de questions, diffusent celles-ci au nom du respect des faits. Sans se souvenir que ce que l’on ne voit pas compte souvent autant que ce qui est montré.

Les forces israéliennes font tout, en revanche, pour empêcher les équipes étrangères de filmer la réalité brutale de l’occupation. Le quotidien The Guardian se souvient de la manière dont Tsahal vidait les populations palestiniennes de chez elles: «Lorsque les bulldozers entraient à Rafah, aucun soldat israélien n’avait reçu d’entraînement à avoir du tact, aucun autobus n’avait été réquisitionné pour prendre en charge les expulsés, aucune aide financière n’avait été prévue, aucune promesse de relocalisation n’a jamais été faite, et le délai accordé pour quitter sa maison était loin d’être généreux.» Le journal britannique rappelle aussi que pour avoir été trop curieux, le reporter photographe Tom Hurndall et le cameraman James Miller, ainsi que la militante des droits de l’homme Rachel Corrie, ont été abattus!


Ces derniers mois, 24 000 Palestiniens de Gaza ont été expulsés de chez eux, leurs maisons détruites. Le bulldozer est une arme très prisée des Israéliens. On ne compte plus, dans les territoires occupés, les immeubles ainsi rasés, sans parler des plantations d’oliviers arrachées, pour des «raisons de sécurité». Ce spectacle-là, nos écrans n’y ont pas droit. Peut-être parce qu’il évoque un peu trop des souvenirs historiques encombrants.

Ces exactions ont certes été rapportées dans la presse. Mais elles n’ont pas été montrées. La différence est considérable dans une époque où c’est la télévision qui fixe l’agenda des émotions internationales.

Le drame, c’est que, à la mise en scène à laquelle nous avons droit une autre fait pièce: celles des chaînes arabes qui tordent la réalité tout autant si ce n’est plus. Et c’est ainsi que le fossé se creuse entre les camps.

De tout temps l’information a été utilisée comme une arme psychologique. Souvent avec des moyens de propagande grossiers. Là, dans la crise israélo-palestinienne, on entre dans un registre plus subtil. On prétend tout dire. Mais les images sont triées à la source avec une efficacité redoutable.

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