28 mars 2008

Quand un journaliste parle du journal Marianne

MARIANNE, DU CÔTÉ DE LA MEUTE

Coup de boule | vendredi, 28 mars 2008 | par Jean-Baptiste Thoret

Je ne sais pas grand chose de l’hebdomadaire Marianne, sinon qu’il a été fondé par le rebelle Jean-François Kahn, que ses deux têtes (Safran/Neuman) sont atteints d’un sarko strabisme amusant (Neuman surtout), qu’ils éprouvent régulièrement dans l’émission N’ayons pas peur des mots sur iTV. Enfin, que parmi l’un des faits d’armes récents du magazine, je me souviens d’un dossier fameux expliquant, sans rire, combien Nicolas Sarkozy (son fonds de commerce absolu : neuf couvertures sur les quinze dernières), était fou. Soit le genre de publication que l’on tient à priori entre le pouce et l’index, loin du nez et des yeux.

Comme tout citadin, je découvre chaque semaine la couverture tract de Marianne sur les espaces publicitaires des kiosquiers. Les numéros se succèdent, le ton ne change pas d’un iota : c’est la preuve d’une formidable cohérence rédactionnelle et graphique, me direz-vous.

Et vous aurez raison : un petit dessin mal foutu et rarement drôle (Sarkozy la plupart du temps), une titraille inspirée de tabloïds et une rhétorique bien rôdée, entre « Il » (le Mal, Sarkozy, tel que le magazine le délire partout) et « Ils » (le monde tel qu’il n’existe pas). Exemples : « Hier, ils se couchaient… Aujourd’hui, ils le lynchent » (n°564), « Ils ont beau le nier… » (n° 568), « Il met en danger la laïcité », « Le Président impuissant », « Piégé, blâmé, lâché » (n°570), « La France le quitte » (n°569), etc…

Si j’en juge à ses couvertures, Marianne me fait penser à une sorte de Minute bas de plafond et rigolard, qui a substitué à la peur du communiste la haine du sarkozyste : mêmes ressorts populistes (le préjugé, la démagogie, le bon sens…), mêmes délires complotistes (on vous ment), même vision du monde franchouillarde, avec patrons arnaqueurs, politiques pourris (ou « cocus »), haine des élites et de l’Autre sous toutes ses formes. Le TF1 de la presse contestataire.

Au fond, Marianne, c’est le journal de ces petits esprits, le rôt hebdomadaire d’une France un peu honteuse, toujours prête à lyncher celui qu’elle a pris pour cible : aujourd’hui, la tête de Sarkozy, ambiance Foire du Trône featuring Le Corbeau. Hier l’Europe, demain votre voisin. Le porte-voix de la meute et des sans grades qui, sur fond de ressentiment, râlent et râlent encore, contre ce monde qu’ils rendent responsables de n’être que ce qu’ils sont.

Notre part sombre, en somme.

1 commentaire:

Lucilius a dit…

Qu'on soit d'accord ou pas, le style est exemplaire !